Une grande dame du fromage nous ouvre ses portes et nous livre ses meilleures recettes

Une grande dame du fromage nous ouvre ses portes et nous livre ses meilleures recettes

Située en plein cœur du 17ème arrondissement, la fromagerie de Martine Dubois est une véritable caverne d’Ali Baba pour les fins gourmets amoureux des bons fromages.

17 mai 2017
Par Camille Cazorla

La petite vitrine en bois laisse entrevoir une grosse tome aux fleurs. Une large entrée nous invite tel un musée à découvrir les merveilles qui s’y cachent. Une fois à l’intérieur, ce sont d’emblée des odeurs fromagères alléchantes qui nous sautent au nez. Carrelage et décoration d’époque, tout est resté dans son jus. Martine Dubois est propriétaire et exploitante de sa fromagerie depuis 2000. Parmi ses spécialités figurent la composition de plateaux de fromage que l’équipe 100% féminine réalise depuis ses débuts. La fromagerie sert une cinquantaine de restaurateurs de l’hexagone. Parmi toutes les casquettes qui lui sont attribuées, Martine Dubois à une nette préférence pour le commerce. « Je suis boutiquière avant tout » nous confie-t-elle avec enthousiasme. « j’aime quand le rideau se lève le matin, c’est comme au théâtre ! » Echanger avec ses clients, les conseiller, les voir revenir : une histoire sans fin qu’elle apprécie autant que ses chers fromages. Avec un brin d’humour, Martine reconnait aussi que son quartier est facile à vivre : « c’est très joyeux et on a la chance d’avoir des gens sympas qui ont l’avantage d’avoir un peu de pognon, donc ça aide un peu ». Observatrice dans l’âme, la boutiquière a quelques anecdotes à son actif assez drôles sur son commerce qu’elle nous confie : « Quand Nicolas Sarkozy a été élu, on avait des petits chèvres qui s’appelaient les Nicolas qui partaient comme des petits pains, on était dévalisé ! ».

 

La belle vue sur l’étal des fromages depuis l’entrée de la boutique

 

« Avec la mode du locavorisme, on ose à peine dire que nos meilleures tomes viennent d’Italie »

Outre les Nicolas, dans la boutique de Martine Dubois, le moins que l’on puisse constater, c’est que le client a l’embarras du choix. Vieux conté, chèvres plus ou moins crémeux, sélection truffée, crème fraîche, desserts fait maison et même un peu de vin d’amis. On se perdrait presque dans cette boutique à l’espace rentabilisé au maximum, c’est-à-dire du sol au plafond. Cette sélection, la propriétaire la veut de qualité et venue des quatre coins de l’Europe. Ce choix de proposer des fromages d’ici et d’ailleurs, Martine en a conscience, « ce n’est pas très tendance ». Elle nous avoue qu’il est en effet difficile de dire à ses clients que certains fromages ne proviennent pas de l’hexagone. « On essaye de se diversifier, et l’ouverture se fait à travers nos fromages qui viennent de toute l’Europe ». C’était sans compter la mode du locavorisme qui règne sur Paris et qui rend la vie des meilleurs goudas d’Hollande parfois difficile. Pourtant, nous imageons mal certains savoir-faire régionaux s’exporter en France. Comme « cette tome affinée dans des marcs de cafés produite dans le Wisconsin par une famille italienne qui perpétue leur savoir-faire depuis les années 1930 ». Selon Martine, elle est à déguster avec un « bon cognac, une bière fraîche et un café à fortiori ». C’est ce genre de fromage que Martine Dubois aime dénicher et affiner dans les trois caves au sous-sol de sa boutique. 

 

Le Fromage irlandais à la Guinness, une délice importée d’ailleurs excellent et graphique en même temps !

 

Fromager, crémier et surtout affineur 

« Etre affineur à Paris veut tout dire et son contraire à la fois », pourtant ici, les fromages (de petites pièces uniquement) sont bel et bien affinés avec le grand soin. L’affinage sert à conserver certains fromages tout d’abord. Enfin, elle est l’étape ultime pour apporter caractères et fignolage à des fromages « que l’on reçoit pas assez fait ». Martine nous explique ainsi qu’elle « affine Reblochons, époisses, chèvres… presque tout au final ! » Le plus gros travail de l’affinage ? « la mise en hâloirs qui détermine si le séchage est bon ou pas, s’il a souffert d’un trop plein ou au contraire d’un manque d’humidité ». « Le plus gros du travail est donc fait sur place, à nous de les massacrer ou pas » s’exclame la fromagère. Pour savoir si un fromage est assez affiné, Martine se fit à sa vue, au toucher et bien évidemment à son odeur. « Il faut veiller à ce que certaines bactéries telles que l’oïdium ne se développent pas. Elles ne sont pas bien méchantes mais sentent un peu les marécages ». Autre indice important, l’humidité des papiers sur lesquels les fromages reposent. Par exemple : « La Fourme d’Ambert tourne très vite, on le remarque grâce au côté gluant des papiers » nous explique la fromagère. Comme un grand couturier, chaque pièce est unique et chaque fromage demande un certain bichonnage. Depuis 25 ans qu’elle exerce ce métier, aucun de ses affinages ne s’est déroulé de la même façon. Et c’est sans doute cela le caractère du métier. Et l’affinage c’est tout un art. Rien ne sert de faire vieillir un fromage s’il est mauvais et le nombre de mois ne garantit en aucun cas sa bonification. Difficile pour les « bobos parisiens de comprendre qu’un conté vieux de 36 mois » n’est pas forcément bon. « Il n’y a pas beaucoup de fruitières dans le Jura qui font de bons contés vieux qui ne sont ni trop salés ni trop forts ». Martine regrette que certains clients « achètent un âge et pas une subtilité ». Certains demandent même un « grain » ou encore « un conté au gros sel ». « Ce sont des modeux, mais on explique quand même que ce n’est pas du sel mais bien le phénomène de cristallisation ! » L’affinage n’est donc pas un savoir-faire connu de tous et il y a encore un long chemin à parcourir.

 

La sélection truffée de la maison : Brie et Coulommiers affinés et truffés maison

 

Fromages rares, spécialités maison et petits producteurs

Un bon vieux Salers, des Etivaz… ce sont ces fromages rares d’une qualité incomparable que certains producteurs réservent à Martine. « certains m’appellent pour me demander si je veux un tel fromage ou un autre, mais cela arrive à bien d’autres fromagers bien évidement » nous explique Martine Dubois avec une grande humilité. Coulommiers et Bries truffés, mille-feuille de fourme avec une préparation de noix et de raisin faite maison, Brie mendiant avec des fruits sec et des fruits à coque réalisé sur place également font partis des spécialités phares de la maison. La dernière nouveauté affinée et bonifiée par la maison qui cartonne : la tome de Tyrol aux fleurs sauvages. Un fromage suisse aux secrets bien gardés que Martine a tenté de percer. « On les enlève de leur sous-vide et on remet une dose de fleurs sauvages. Nous avons identifié le Bleuet et le Soucis. On fait pénétrer les petites fleurs au rouleaux à pâtisserie et on les affine dans nos caves. ».

 

 

La fameuse tome de Tyrol aux fleurs sauvages

 

Le mille-feuille à la fourme d’Ambert, raisins secs et noix et le camembert au calvados fait maison 

 

Et pour dénicher de tels fromages, Martine Dubois a plus d’un tour dans son sac. Déjà, son expérience lui permet de recevoir des coups de téléphone de producteurs eux-mêmes, ce qui lui évite d’être dans la course permanente aux bons fromages. Et ensuite, quand elle tombe sur un petit producteur de qualité, contrairement à ce que l’on peut penser, elle en fait immédiatement part à ses collègues et amis fromagers de la fédération dans laquelle elle est adhérente. Pourquoi ne pas garder l’or pour elle toute seule une fois trouvé ? Car les petits producteurs ont besoin de plusieurs clients pour faire tourner leur exploitation. Son savoir-faire unique, Martine ne le revendique pas, se sont ses clients qui parlent à sa place. Depuis plus de 25 ans, elle a fait de sa petite boutique un véritable repère de fins gourmets amoureux des bons fromages. 

Les recettes à base de fromage de Martine Dubois 

Salade de betteraves, fraises, estragon, chèvre

1 betterave
6 fraises parfumées et fermes
1 branche d'estragon (environ 6/8 feuilles)
1 chèvre non cendré tendre et un peu affiné (par exemple Pélardon, Picodon, Mothais...)

Couper la betterave en mini cubes de 6/7 mm de côté, couper les fraises de la même façon, ciseler l'estragon. Mélanger le tout, assaisonner d'huile d'olive, de vinaigre de framboise ou de balsamique blanc, sel et poivre. Couper le chèvre en mini cubes de la même taille et l'ajouter. Mélanger et réserver au frais 5 à 6 heures.

 

Têtes de champignons farcies au brillat-savarin

Autant de têtes de champignon que de convives
1 brillat-savarin

Essuyer les têtes de champignons de Paris. Réserver les pieds pour une autre recette.
Mélanger 1 brillat-savarin frais avec des herbes du jardin (cerfeuil/ciboulette/persil) et en garnir les têtes essuyées (ou épluchées et citronnées). Saupoudrer de piment d'Espelette.

En entrée : servir un gros champignon par personne sur des rondelles fines de tomates anciennes multicolores.

En apéritif : privilégiez les "petites têtes"

 

Pieds de champignons au Bleu ou au Parmesan

Autant de pieds de champignon que de convives
Quelques éclats de parmesan ou de Bleu

Couper les pieds des champignons en lamelles fines, les arroser de jus de citron pour éviter qu'elles noircissent. Ajouter de l'huile d'olive ou de noix (ou de noisette), ainsi que des noisettes torréfiées à la poêle et concassées. Ajouter le bleu émietté pour renforcer la saveur boisée ou des copeaux de vieux parmesan pour une texture plus croustillante. 

 

Carpaccio de courgettes à la féta

Prendre des petites courgettes bien fermes sans trop de pépins
Sarriette
Féta
Huile d'olive
Citron
Olives noires grecques (facultatif)

Couper les courgettes à la mandoline. Arroser les lamelles de quelques gouttes de jus de citron et d'huile d'olive. Recouvrir ensuite largement de cubes de féta assaisonnés d'une pincée de sarriette ainsi que d'olives grecques. Ne salez pas sans avoir goûter (olives et féta...).

 

Lamelles de concombre au chèvre (recette spéciale légèreté)

1 concombre entier
1 chèvre ( crottin, chavignol, charolais ou Rocher de l’Epine)

Couper le concombre en fines lamelles et les disposer en rosace. Ajouter quelques gouttes d'huile d'olive, une pincée de fleur de sel et un tour de poivre du moulin. Répartir ensuite une légère râpée de chèvre très sec, (par exemple un crottin de chavignol ou un charolais ou un rocher de l'épine, très rustiques et bien goûteux...).